Personnes publiques

Droit français de la concurrence

L'article L. 410-1 du Code de commerce prévoit que les règles de la concurrence s'appliquent aux activités de production, de distribution et de services, “y compris lorsqu'elles sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public”. Derrière la question de l'applicabilité du droit de la concurrence aux personnes publiques, se profile en réalité celle de la détermination de l'autorité compétente pour appliquer les règles de concurrence. Si la Cour d'appel de Paris est compétente pour statuer sur les recours exercés contre l'Autorité de la concurrence, le Tribunal des conflits n'en a pas moins affirmé que l'organisation d'un service public n'est pas constitutive d'une activité de production, de distribution et de services et que les actes de dévolution du service public ne sont pas en eux-mêmes susceptibles de porter atteinte au libre jeu de la concurrence. Ils se situent donc en dehors du champ de l'article L. 410-1 du Code de commerce, qui ne vise que les activités. Le Tribunal met ainsi en oeuvre le critère classique de l'acte administratif, c'est-à-dire celui pris en exécution de prérogatives de puissance publique, dont le contrôle relève uniquement de l'ordre administratif. Il ajoute cependant qu'il revient aux juridictions administratives de vérifier la validité de l'acte de dévolution du service public au regard des règles de concurrence.

Les actes ressortissant à la compétence réservée du juge administratif comprennent, en dehors des actes d'organisation du service public au sens strict, les actes de police administrative, les actes de gestion du domaine public, les actes de dévolution d'un marché public et, plus généralement, l'ensemble des actes qui s'inscrivent dans le cadre de l'exécution d'une mission de service public. En revanche, dès lors que la personne publique ou chargée d'une mission de service public intervient dans le secteur concurrentiel, la compétence des autorités de concurrence retrouve son empire. En outre, la compétence réservée n'exclut pas l'applicabilité des règles de concurrence aux actes administratifs susceptibles d'avoir une incidence sur un marché. Le Conseil d'État a étendu son contrôle aux actes de police administrative, et plus particulièrement au pouvoir du maire de réglementer l'affichage publicitaire. Désormais, les règles de concurrence ne sont plus seulement applicables aux personnes publiques lorsqu'elles se comportent comme des opérateurs privés, mais également lorsque leurs actes, quelle qu'en soit la nature, produisent une incidence sur l'exercice d'activités de production, de distribution ou de services.

En vertu de la théorie des actes détachables, les autorités de concurrence recouvrent une certaine compétence, même à l'égard des personnes dont les actes peuvent relever de la compétence réservée. Le Conseil d'État distingue ainsi entre les actes qui tendent à l'organisation du service public et mettent en cause des prérogatives de puissance publique, qui relèvent de la compétence des juridictions administratives, et ceux qui sont “détachables” de la mission de service public, qui ressortissent à la compétence de l'Autorité de la concurrence sous le contrôle du juge judiciaire. La frontière entre acte détachable et acte couvert par le pouvoir d'organisation du service public est assez imprécise. Les autorités de contrôle n'adoptent pas toujours la même définition de l'acte détachable : tantôt elles font prévaloir les modalités de l'acte, tantôt les finalités qu'il poursuit. Quelques lignes de fond se dégagent toutefois. Les effets anticoncurrentiels d'une pratique prouvent parfois par eux-mêmes son caractère détachable. L'Autorité de la concurrence et les juridictions judiciaires considèrent généralement que lorsque l'activité en cause s'effectue contre rémunération, implique la conclusion de contrats de droit privé, relève d'une activité de service et implique de prendre position sur une question marchande ou s'exerce par son financement et les moyens mis en oeuvre dans les mêmes conditions qu'une entreprise privée offrant un service financé par la publicité et le partenariat d'entreprise, elle relève de leur compétence. Le Tribunal des conflits et le Conseil d'État attachent en principe une plus grande importance aux conditions d'adoption de l'acte, ce qui les conduit à retenir assez facilement qu'un acte unilatéral manifeste l'exercice de prérogatives de puissance publique. Ainsi, la légalité des actes passés à l'occasion d'une procédure de passation pour une délégation de service public relève de la compétence du juge administratif et le comportement de l'entreprise, qui se positionne sur ce marché par sa réponse à l'appel d'offres, de celle de l'Autorité de la concurrence. En revanche, le juge des référés précontractuels n'est pas compétent pour connaître d'un éventuel abus de position dominante commis à l'occasion d'une procédure de passation de délégation de service public.

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