Motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution

Droit européen des affaires

L'article 45 du règlement 1215/2012 énumère une série de cas dans lesquels la reconnaissance est exclue, ces exceptions étant applicables à la procédure d'exécution, par renvoi de l'article 46. L'article 45 doit recevoir une interprétation stricte dans la mesure où les motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution énumérés constituent autant d'obstacles à la réalisation de la libre circulation des jugements qui doit être assurée par une procédure d'exécution simple et rapide.

La reconnaissance ou l'exécution, dans l'État membre requis, d'une décision d'un autre État membre (aussi appelée “décision étrangère") est impossible : (i) lorsque la décision est contraire à l'ordre public de l'État requis ; (ii) lorsque l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ; (iii) lorsque la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis ou (iv) avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis.

Pour être exclue, la reconnaissance ou l'exécution de la décision rendue dans un autre État membre doit heurter de manière inacceptable l'ordre juridique de l'État requis : l'atteinte doit constituer une violation manifeste d'une règle de droit - de fond ou procédurale - considérée comme essentielle ou d'un droit reconnu comme fondamental dans l'ordre juridique de l'État requis. Même si les États membres sont libres de déterminer, conformément à leurs conceptions nationales, les exigences de leur ordre public, la clause de l'ordre public ne doit jouer que dans des cas exceptionnels : l'ordre public de l'État requis ne peut être opposé à la reconnaissance ou à l'exécution d'une décision rendue dans un autre État membre au motif que le juge d'origine n'aurait pas respecté les règles du règlement 1215/2012 relatives à la compétence ou qu'il aurait mal appliqué le droit national ou le droit de l'Union européenne. En revanche, le juge requis peut légitimement considérer que le refus opposé par le juge étranger d'entendre la défense de l'accusé, absent des débats, constitue une violation manifeste d'un droit fondamental de son ordre public procédural, justifiant la non-reconnaissance de la décision étrangère.

La protection du défendeur défaillant constitue un autre motif de non-reconnaissance ou de non-exécution : le juge requis pourra refuser de reconnaître ou d'exécuter la décision du juge d'origine, pour cause de non-respect des droits de la défense du défendeur défaillant (a) lorsque l'absence de notification de l'acte introductif d'instance en temps utile ou bien sa notification en temps utile, mais sans permettre au défendeur de se défendre, est à l'origine du défaut de comparution ou (b) lorsque l'absence de signification, dans les mêmes conditions, de la décision rendue par défaut conduit le défendeur défaillant à ne pas connaître le contenu de la décision en temps utile pour se défendre, et à ne pas être "en mesure d'exercer un recours”. Outre l'absence de notification ou de signification d'un acte introductif d'instance en temps utile, la mise en œuvre de l'article 45, paragraphe 1, b) suppose que le juge d'origine ait rendu une décision par défaut : concrètement, le défendeur ne doit pas avoir comparu ou s'être fait représenter dans la procédure suivie devant le juge de l'État d'origine.

Enfin, afin de “réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et [d']éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres” (cons. 21), le règlement exclut la reconnaissance ou l'exécution en cas d'inconciliabilité de la décision étrangère avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis ou avec une décision antérieure dans un autre État membre ou tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause. L'inconciliabilité, qui caractérise les effets des décisions juridictionnelles et non les conditions de recevabilité et de procédure auxquelles sont soumises ces décisions, suppose que les décisions en cause entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement : sont inconciliables la décision en référé du juge d'origine prononçant une mesure enjoignant à un débiteur de ne pas accomplir certains actes et celle du juge de l'État requis, rendue entre les mêmes parties, refusant d'octroyer une telle mesure. Le motif de refus de reconnaissance ou d'exécution des décisions inconciliables revêt un caractère obligatoire, dès lors qu'il est incontestable que “l'ordre social d'un État serait troublé si on pouvait s'y prévaloir de deux jugements contradictoires”.

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