Droit français de la concurrence
Le contrat de franchise lie une entreprise, le franchiseur, à une autre, le franchisé, qui est chargé d'exploiter un ensemble de droits de propriété intellectuelle (marque, nom commercial, enseigne, dessins et modèles, droits d'auteur, savoir-faire, brevets) pour la revente de produits ou services déterminés à des utilisateurs finals. Le contrat de franchise constitue non seulement un système de distribution, mais aussi une manière d'exploiter financièrement un ensemble de connaissances. Il s'agit d'une méthode de collaboration entre le franchiseur et les franchisés, le premier mettant à la disposition des seconds un savoir-faire original et spécifique, exploité selon des techniques commerciales expérimentées et mises à jour en permanence.
La protection des signes distinctifs et du savoir-faire du franchiseur implique la présence dans le contrat de franchise de clauses susceptibles de tomber sous le coup de la prohibition des ententes. La licéité du contrat de franchise au regard des règles de concurrence suppose que les restrictions de concurrence imposées aux franchisés soient compensées par des effets bénéfiques, et proportionnées à l'objectif poursuivi. Ces restrictions ne doivent pas dépasser ce qui est nécessaire à la protection du savoir-faire et à la sauvegarde de l'identité du réseau. L'accord en cause bénéficiera également d'une appréciation favorable dans le cadre de la règle de raison, lorsque, conclu par un fabricant et un distributeur détenant chacun moins de 30 % de part de marché, il ne comporte aucune des clauses noires ou rouges prohibées par le règlement restrictions verticales que les autorités françaises de concurrence appliquent à titre de guide d'analyse, même lorsque le droit européen n'est pas applicable.
L'identité du réseau conduit le franchiseur à établir des tarifs dont il recommande l'application à ses franchisés afin que l'utilisateur final puisse acquérir les produits de la marque au même prix où qu'il se trouve. La fixation de prix de revente identiques ou minimum, que les membres du réseau de franchise situés sur la même zone de chalandise se trouvent contraints d'appliquer, caractérise une pratique prohibée. En revanche, la fixation concertée de prix de revente par des commerçants indépendants réunis au sein d'une même enseigne ne constitue pas en principe une pratique anticoncurrentielle lorsqu'ils ne sont pas situés sur la même zone de chalandise ou lorsque, présents sur la même zone de chalandise, l'enseigne détermine des prix maximum ou des prix conseillés qui ne revêtent pas le caractère de prix imposés ou de prix minimum.
Le droit d'exploiter les signes distinctifs et le savoir-faire du franchiseur est souvent accordé pour un territoire limité. Selon la Cour d'appel de Paris, l'exclusivité territoriale ne porte pas atteinte à la concurrence lorsque les parties à l'accord contrôlent une part de marché limitée. Il en est de même lorsque l'ensemble du réseau constitué par le franchiseur ne représente pas, par sa densité et son étendue, une entrave significative au jeu normal de la concurrence sur le marché considéré.
Le contrat de franchise contient souvent une clause de non-concurrence qui concerne principalement la période postcontractuelle. La clause de non-concurrence est inhérente à la franchise dans la mesure où elle assure la protection du savoir-faire, qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau, et laisse au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité. Ces clauses doivent cependant demeurer proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent : la protection du savoir-faire, de l'identité et de la réputation du réseau. Pour être valable, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace.
Même si la question donne lieu à une importante controverse, la jurisprudence française valide les clauses de non-réaffiliation interdisant à l'ancien franchisé d'adhérer, directement ou indirectement, à un réseau de franchise ou à un réseau de distribution analogue pendant une durée de deux à trois ans sur le territoire qui lui a été concédé. Toutefois, les juges ont adopté une solution qui rapproche le régime des clauses de non-réaffiliation de celui des clauses de non-concurrence. Ainsi, une clause de non-réaffiliation revêt un caractère anticoncurrentiel lorsque le savoir-faire qu'elle protège est de faible technicité, spécificité et originalité et que sa portée temporelle (3 ans) et géographique (5 km) est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
Enfin, la stipulation d'un droit de préférence au profit du franchiseur, valable pendant toute la durée du contrat et un an après son échéance, est susceptible d'avoir pour effet, en limitant la possibilité de rachat de magasins indépendants par des groupes de distribution concurrents, de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché de détail de la distribution à dominante alimentaire, sauf si elle permet au franchiseur de sécuriser l'investissement réalisé pendant plusieurs années auprès du franchisé qui a bénéficié du soutien de l'enseigne, de l'aménagement de son magasin, de conseils de vente et de promotion et de la mise à disposition d'un logiciel de gestion spécifique, en empêchant l'appropriation des résultats commerciaux favorables de ce partenariat par un concurrent, tout en accordant au distributeur le même prix que celui proposé par ce dernier.
Le franchiseur peut imposer au franchisé soit de vendre ou d'utiliser des produits aux spécifications objectives minimales de qualité fixées par lui, soit de vendre ou d'utiliser des produits fabriqués seulement par lui ou par des tiers désignés, lorsqu'il n'est pas possible, en pratique, en raison de la nature des produits contractuels, de définir des spécifications objectives de qualité. Pour tous les articles à renouvellement fréquent, le franchiseur peut définir et imposer des spécifications qui permettront d'obtenir l'uniformisation minimale indispensable pour préserver l'identité du réseau de franchise. La clause d'approvisionnement exclusif les concernant est donc licite. Pour les autres produits, tels que meubles, vitrines d'exposition, présentoirs, jeux d'étiquettes, chevalets, sacs en papier, l'image du réseau est suffisamment préservée par une définition précise des qualités objectives requises : l'exclusivité d'approvisionnement n'est donc pas justifiée. L'obligation d'approvisionnement exclusif qui porte sur des matériels disponibles sur le marché, et pour lesquels il est possible d'appliquer des spécifications objectives de qualité, est anticoncurrentielle.
S'il est loisible, par ailleurs, à un franchiseur, pour assurer l'unité du réseau, de faire respecter les éléments d'identification de la marque et de présentation des articles à travers l'application d'un cahier des charges, rien ne justifie qu'une de ses filiales soit seule à pouvoir effectuer ce type de prestations, alors que l'identité du réseau est protégée par l'agrément par le franchiseur de chaque magasin et des aménagements qui y sont effectués.
Le contrat de franchise a d'abord été défini par la Cour de justice comme celui par lequel “une entreprise qui s'est installée dans un marché comme distributeur et qui a ainsi pu mettre au point un ensemble de méthodes commerciales accorde, moyennant rémunération, à des commerçants indépendants, la possibilité de s'établir dans d'autres marchés en utilisant son enseigne et les méthodes commerciales qui ont fait son succès. Plutôt que d'un mode de distribution, il s'agit d'une manière d'exploiter financièrement, sans engager de capitaux propres, un ensemble de connaissances. Ce système ouvre par ailleurs à des commerçants dépourvus de l'expérience nécessaire l'accès à des méthodes qu'ils n'auraient pu acquérir qu'après de longs efforts de recherche et les fait profiter de la réputation du signe”. L'article 1er, paragraphe 3, du règlement 4087/88, abrogé par le règlement 2790/1999, a repris des éléments de cette définition en disposant que le contrat de franchise est celui par lequel “une entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d'une compensation financière directe ou indirecte, le droit d'exploiter un ensemble de droits de propriété industrielle ou intellectuelle, concernant des marques, noms commerciaux, enseignes, dessins et modèles, droits d'auteur, savoir-faire ou brevet, destinés à être exploités pour la revente de produits ou la prestation de services déterminés à des utilisateurs finals”.
Le règlement 2022/720, qui a remplacé le règlement 330/2010, adopte comme ce dernier une approche moins catégorique de la franchise et ne reprend donc pas ces définitions. Les lignes directrices restrictions verticales définissent les accords de franchise comme les accords verticaux qui comportent “des licences de droits de propriété intellectuelle relatifs notamment à des marques ou à des signes distinctifs et à un savoir-faire pour l’utilisation et la distribution de biens ou de services. Outre une licence de droits de propriété intellectuelle, le franchiseur fournit normalement au franchisé une assistance commerciale ou technique pendant la période d’application de l’accord” (Lignes directrices restrictions verticales 2022, pt 165).
La franchise est couverte par le règlement 2022/720. Selon les lignes directrices restrictions verticales, la plupart des engagements contenus dans les accords de franchise peuvent être considérés comme nécessaires à la protection des droits de propriété intellectuelle ou au maintien de l'identité commune ainsi qu'à la réputation du réseau, et ne relèvent pas de l'article 101, paragraphe 1, TFUE. Ces accords comprennent, en outre, “généralement une combinaison de plusieurs restrictions verticales portant sur les produits distribués, comme par exemple la distribution sélective et/ou des obligations de non-concurrence” (Lignes directrices restrictions verticales 2022, pt 165). Le règlement 2022/720 pose une présomption de légalité pour les accords qui ne contiennent pas de restrictions caractérisées dès lors que les parts de marché détenues par le fournisseur et le distributeur ne dépassent pas 30 % du marché pertinent (Règl. 2022/720, art. 3, paragr. 1). Au-delà, l'accord ne peut être exonéré qu'au titre de la règle de raison ou de l'exemption individuelle.
Bien qu'ils soient conclus entre non-concurrents, les accords de franchise peuvent porter atteinte à la concurrence. Le règlement restrictions verticales et ses lignes directrices définissent le régime juridique des restrictions généralement insérées dans un contrat de franchise.
1) Prix imposés
Le franchisé, commerçant indépendant, doit déterminer librement sa politique tarifaire. L'imposition d'un prix minimum par le franchiseur constitue une entente illicite. Toutefois, le franchiseur peut valablement communiquer à ses franchisés des prix indicatifs dès lors qu'il ne porte pas atteinte à la liberté des franchisés de fixer leur prix de revente. Lorsque les parts de marché du fournisseur et du distributeur n'excèdent pas 30 %, le règlement exempte la pratique de prix de vente conseillé. Au-delà, la Commission précise dans ses lignes directrices que plus la position du fournisseur est forte sur le marché, plus le risque d'alignement des revendeurs est élevé. Dans ce cas, le prix conseillé est susceptible de conduire à la fixation d'un niveau de prix uniforme et donc de tomber sous le coup de l'article 101 TFUE, paragraphe 1.
2) Restriction des ventes
Selon la Commission, la limitation des ventes des franchisés par le fournisseur peut être licite lorsqu'elle est limitée et/ou nécessaire, notamment pour obtenir et protéger leurs investissements, qu'ils conservent des droits passifs de fourniture de services dans d'autres territoires et restent libres de fixer leurs prix de vente.
3) Clause d'approvisionnement exclusif
L'obligation d'achat exclusif couvre deux hypothèses. Le franchiseur peut d'abord imposer une clause d'approvisionnement exclusif pour les produits ou services contractuels. Il peut également exiger que ses revendeurs recourent exclusivement aux fournisseurs qu'il signale pour l'achat du matériel ou l'aménagement des locaux. Qualifiée d'obligation de non-concurrence, cette clause était licite sous l'empire du règlement 330/2010 lorsqu'elle était limitée à cinq ans, non reconductible par tacite reconduction, et que les obligations d'approvisionnement représentaient moins de 80 % de l'approvisionnement du franchisé, quelle qu'en soit la durée, dès lors que la part de marché du fournisseur et du distributeur ne dépassait pas 30 %. Désormais, les lignes directrices accompagnant le règlement 2022/720 admettent les clauses d'obligation de non-concurrence de cinq ans renouvelables, à condition que l'acheteur conserve une liberté de sortie (Lignes directrices restrictions verticales 2022, pt 248). Au-delà, les lignes directrices précisent que l'obligation de non-concurrence ne relève pas de l'article 101 TFUE, paragraphe 1, lorsqu'elle est nécessaire au maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé. La durée de la clause n'a pas dans ce cas à être déterminée, dès lors qu'elle est limitée à celle du contrat de franchise (Lignes directrices, pt 166).
4) Interdiction des rétrocessions
On entend par rétrocessions les ventes croisées entre franchisés d'un même réseau. L'interdiction des rétrocessions, parce qu'elle limite la concurrence intramarque, est par nature restrictive de concurrence. Le règlement 2022/720 ne prévoit expressément la prohibition de l'interdiction des livraisons croisées qu'à l'intérieur des systèmes de distribution sélective. Toutefois, selon la Commission, cette disposition est susceptible de s'appliquer au contrat de franchise qui contient une combinaison de restrictions verticales, telle que la distribution sélective et/ou l'exclusivité de marque et/ou la distribution exclusive ou des formes admises de ces restrictions.