Distribution sélective

 

Droit français de la concurrence

Selon la définition adoptée par la Cour de cassation, le contrat de distribution sélective est celui par lequel “le fournisseur s'engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou plusieurs commerçants qu'il choisit en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, et par lequel le distributeur est autorisé à vendre d'autres produits concurrents”. Ce type de contrat interdit notamment, tant aux distributeurs sélectionnés qu'aux fournisseurs, de vendre les produits contractuels à des distributeurs n'appartenant pas au réseau. Même si elle est potentiellement susceptible de restreindre la concurrence au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce, la distribution sélective fait l'objet d'un régime de faveur de la part des autorités de contrôle, eu égard à la faiblesse de ses effets anticoncurrentiels.

Il suffit qu'un ensemble de critères soit réuni pour que le réseau de distribution soit déclaré licite au regard des règles de concurrence :

  • sélection des revendeurs selon des critères objectifs qualitatifs et, le cas échéant, quantitatifs ;
  • étanchéité juridique du réseau, assurée par l'interdiction faite aux distributeurs sélectionnés de vendre les produits contractuels à des revendeurs parallèles ;
  • libre fixation des prix par les revendeurs ;
  • maintien de la concurrence sur le marché concerné.

La sélection quantitative, parce qu'elle limite directement le nombre de revendeurs, semble davantage susceptible de tomber sous le coup de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Elle ajoute en effet une restriction supplémentaire à la sélection qualitative, tel un niveau de vente minimal ou maximal ou encore une limitation directe du nombre de revendeurs agréés. Toutefois, à la différence des autorités européennes avant l'entrée en vigueur du règlement restrictions verticales, les autorités de contrôle françaises n'ont pas hésité à faire bénéficier la sélection quantitative d'une appréciation au titre de la règle de raison, dès lors qu'elle était économiquement justifiée. En outre, l'utilisation du règlement d'exemption restrictions verticales en tant que guide d'analyse en droit interne devrait logiquement conduire le juge à accueillir encore plus favorablement les critères quantitatifs puisque le règlement les exempte en deçà de 30 % de part de marché. La limitation directe du nombre de revendeurs peut être justifiée lorsqu'un nombre trop important de distributeurs rendrait les coûts de distribution excessifs et risquerait d'alourdir le prix de revient. Le nombre de points de vente influence en effet directement le coût de distribution et les frais de publicité, et rend l'approvisionnement plus complexe.

Le plus souvent, la sélection quantitative est indirecte. Elle prend la forme de clauses particulières, comme les obligations de stockage, d'achat minimal ou de chiffre d'affaires. Le fournisseur peut ainsi exiger de ses distributeurs la présentation d'une sélection représentative de ses produits, la détention d'un assortiment complet et le maintien d'un stock suffisant pour répondre aux demandes des consommateurs. Pour maîtriser les ouvertures de nouveaux points de vente, le promoteur du réseau met souvent en place une procédure d'admission qui consiste à inscrire toute nouvelle candidature sur une liste d'attente. La gestion de cette liste ne doit pas conduire à écarter abusivement les distributeurs répondant aux critères de sélection.

Enfin, la limitation quantitative du nombre de distributeurs peut reposer sur les facteurs locaux de commercialité ou la densité de la population. Selon la Cour d'appel de Paris, si la référence à la densité locale de distribution par rapport à la densité moyenne nationale de distribution des produits est inacceptable, tel n'est pas le cas du taux de densité de la population ou des facteurs locaux de commercialité, qui sont des critères objectifs.

La sélection qualitative doit être justifiée par la nature du produit dont elle permet de préserver la qualité ou d'assurer le bon usage ou la distribution adéquate. La distribution sélective ne vise donc que des produits spécifiques, comme les produits de luxe ou haut de gamme ou les produits de haute technicité. La seule image du produit de marque ne suffit toutefois pas à fonder la sélection. L'exigence relative à la qualité de la distribution doit cependant être proportionnée. Aucun mode de distribution ne peut a priori être exclu par le promoteur d'un réseau de distribution sélective. La spécialisation commerciale doit demeurer dans des limites raisonnables. Seul un environnement immédiat qui ne nuise pas à l'image de marque des produits peut être imposé. Le promoteur du réseau ne peut imposer au distributeur de réserver une surface minimale de vente aux produits contractuels. La sélection du distributeur peut enfin dépendre de sa qualification professionnelle ou de celle de son personnel. Dans tous les cas, les éléments pris en considération pour procéder à la sélection sur le fondement de la qualification professionnelle doivent être précisés.

L'application objective des critères de sélection suppose une certaine précision dans leur définition. En effet, seule la fixation de critères précis permet au distributeur potentiel d'en contrôler l'existence et d'apprécier sa possibilité d'intégration dans le réseau. La référence à des exigences de “notoriété et d'image de marque du magasin”, de “produits haut de gamme”, de “qualification professionnelle” et de “conseil et de services de vente” est, en particulier, trop imprécise et générale pour satisfaire à la condition d'objectivité.

Les mêmes critères doivent être appliqués à tous les distributeurs placés dans une situation comparable au regard de la commercialisation des produits contractuels. Cependant, le fournisseur demeure libre de fixer les critères de sélection objectifs qui correspondent à la qualité de ses produits et qui peuvent différer selon les spécificités de chaque circuit de distribution, et d'agréer les candidats de son choix. Selon la Cour de cassation, seule une mise en œuvre discriminatoire des critères de sélection ou un refus d'agrément par la tête de réseau qui a pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sont prohibés par les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce. L'exclusion a priori de toute forme de commercialisation, même répondant aux critères de sélection, autre que le circuit auquel est réservée la distribution, constitue une restriction discriminatoire, non proportionnée aux nécessités de la distribution des produits en cause.

L'exclusion de la vente sur internet fournit aujourd'hui la meilleure illustration de la condition d'absence de discrimination. Selon les autorités de concurrence, l'interdiction de facto des ventes sur Internet, imposée par l'animateur d'un réseau de distribution sélective à ses distributeurs agréés, constitue une restriction caractérisée qui ne saurait bénéficier de l'exemption par catégorie. Un accord de distribution sélective peut constituer une entente contraire à cette disposition lorsque les revendeurs perdent leur autonomie dans la fixation des prix ou lorsque le fournisseur impose à ses distributeurs d'obtenir son accord pour procéder à des livraisons croisées au sein du réseau. Les clauses restreignant la capacité de livraison croisée entre distributeurs constituent au demeurant des restrictions flagrantes selon le droit de l'Union. Par ailleurs, si l'interdiction de vente sur Internet stipulée dans un contrat de distribution sélective à l'égard des distributeurs agréés disposant d'un point de vente physique doit être assimilée à une limitation des ventes actives et passives, dans la mesure où elle a nécessairement un objet restrictif, l'interdiction de revente sur des sites non agréés ou des marketplaces a été admise par la Cour de justice, puis par les autorités françaises.

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