Droit européen des affaires
La mesure antidumping, qui peut être maintenue tant qu'elle est nécessaire pour contrebalancer le dumping qui cause un préjudice à l'industrie de l'Union, expire cinq ans après son institution ou sa date la plus proche de réexamen couvrant à la fois le dumping et le préjudice (Règl. 2016/1036, art. 11, paragr. 2). Un réexamen de la mesure antidumping peut avoir lieu à l'expiration de la mesure ou au cours de son application - réexamen intermédiaire -. Un réexamen au titre de nouvel exportateur, sur rapport de l'ORD ou encore dit “anti-absorption” peut également être demandé. Lorsqu'il s'agit de se prononcer, dans le cadre du réexamen intermédiaire, sur le maintien de la mesure, la Commission doit s'assurer que celui-ci n'est plus nécessaire ou plus suffisant pour contrebalancer le dumping ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée.
i) Réexamen à l'expiration des mesures
Aux termes de l'article 11, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, il ne peut être procédé au réexamen d'une mesure arrivant à expiration que lorsque la demande contient suffisamment d'éléments de preuve de la nécessité de maintenir les mesures pour éviter la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Le réexamen a lieu soit à l'initiative de la Commission, soit sur demande présentée par des producteurs européens ou en leur nom. Si ces derniers doivent représenter une proportion majeure de la production européenne, il n'est pas nécessaire qu'ils appartiennent au groupe des producteurs européens pour lesquels, lors de l'enquête antérieure ayant conduit aux mesures antidumping, il a été établi que les importations qui font l'objet de pratiques de dumping ont causé un préjudice. Pour mesurer la probabilité de continuation ou de réapparition du dumping, la Commission vérifie d'abord si les pratiques de dumping ont continué pendant la période d'enquête. Le juge européen a considéré que la notion de continuation du dumping couvre le dumping dont fait l'objet le produit concerné en provenance d'un pays tiers et non seulement le dumping pratiqué par certaines entreprises. La Commission peut se livrer à une analyse prospective afin de déterminer si les changements éventuels constatés pendant cette période présentent un caractère durable. La probabilité doit faire l'objet d'un constat positif sur la base d'une enquête, une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffisant pas à justifier le maintien d'une mesure. Cependant, l'absence de préjudice actuellement causé par des importations en dumping ne constitue pas, en soi, une raison suffisante de suppression de mesures antidumping en vigueur, la Commission devant déterminer si la reprise du préjudice serait prévisible et imminente en l'absence de mesures. La continuation ou l'amplification du dumping durant la période de réexamen constitue un indice du risque de continuation après l'abrogation des mesures. Il en est ainsi des tentatives de contournement, de la politique tarifaire pratiquée par le pays exportateur à l'égard des pays tiers n'appliquant pas de mesures antidumping, de la pression exercée sur les prix européens, de la sous-cotation continue des prix des producteurs européens. Pour mesurer l'influence de la situation des producteurs-exportateurs, l'autorité européenne s'attache aux indices susceptibles de démontrer ou non leur capacité d'augmenter leur production à bref délai à destination de l'Union en cas d'abrogation des mesures, tels que d'importantes capacités excédentaires ou des stocks énormes assortis d'un taux très faible d'utilisation. Une réapparition du dumping semble peu probable lorsque les capacités de production sont fortement réduites du fait de la vétusté de l'équipement et de carences en matière de privatisation, de restructuration et de modernisation de l'industrie. Le maintien des mesures antidumping n'est justifié que si la réapparition du préjudice est non seulement prévisible mais aussi imminente. Tel n'est pas le cas lorsque la longue durée du cycle de production d'un produit permet de considérer qu'une éventuelle augmentation des capacités de production ne devrait pas influencer les volumes de vente à court terme.
ii) Réexamen intermédiaire
Un réexamen intermédiaire d'une mesure antidumping en vigueur se justifie lorsque le maintien de la mesure n'est plus nécessaire, la continuation ou la réapparition du préjudice étant improbable en cas de suppression ou de modification ou, au contraire, la mesure existante n'étant pas ou plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l'origine du préjudice (art. 11, paragr. 3). Le réexamen intermédiaire peut intervenir à tout moment lorsque la demande émane de la Commission ou d'un État membre, à l'expiration d'une période raisonnable d'au moins un an depuis l'institution des mesures définitives lorsque la demande émane d'un exportateur, d'un importateur ou des producteurs de l'Union. Le réexamen peut n'être que partiel et limité à la forme des droits devenue inadaptée ou à un seul des exportateurs concernés, ne concerner que l'acceptabilité d'un engagement refusé auparavant, lorsque les autorités du pays des exportateurs concernés ont, depuis, fourni de nouvelles garanties de contrôle, ou porter sur la violation d'un engagement accepté. La Commission n'est toutefois pas tenue par la portée limitée de la demande de réexamen et peut l'étendre lorsque cela s'avère nécessaire. Un changement dans la définition des produits concernés par un règlement antidumping peut justifier un réexamen et la modification de ce règlement afin d'exclure les nouveaux produits qui doivent désormais être considérés comme des produits distincts. La baisse générale des prix ou au contraire l'augmentation du prix des importations en provenance des pays concernés, le faible volume des exportations vers l'Union du producteur-exportateur concerné ou le changement considérable de la structure de l'industrie de l'Union qui, depuis l'adhésion d'un nouvel État membre, compte un nouveau producteur, peuvent également rendre nécessaire un réexamen intermédiaire. Un changement durable des circonstances peut, enfin, justifier l'abrogation des droits. Tel est le cas du transfert par l'industrie de l'Union d'une partie importante de sa production hors du territoire de l'Union postérieurement à la période d'enquête, de la réorientation par le producteur-exportateur des matières premières utilisées pour le produit concerné vers la production d'autres produits non concernés ou encore du constat d'un prix à l'exportation nettement plus élevé que celui établi lors de l'enquête initiale, combiné à une hausse générale des prix à l'exportation due à une hausse des prix du marché dans l'Union.
La procédure de réexamen a pour finalité d'adapter les droits imposés à l'évolution des éléments qui étaient à leur origine et suppose donc la modification de ces éléments. Le réexamen est ouvert par la Commission conformément à la procédure consultative visée à l'article 15, paragraphe 2. Dans toutes les enquêtes de réexamen (ou de remboursement), la Commission est tenue d'appliquer les mêmes méthodes de calcul que dans l'enquête ayant abouti à l'imposition du droit initial, qu'il s'agisse du réexamen d'une mesure arrivant à expiration, du réexamen intermédiaire ou du réexamen au titre de nouvel exportateur (Règl. 2016/1036, art. 11, paragr. 9). Ce principe connaît deux exceptions : une méthode différente peut être utilisée lorsque les circonstances ont changé ou que la méthode de calcul utilisée lors de l'enquête de dumping initiale n'est pas conforme aux articles 2 et 17 du règlement antidumping. Si l'enquête n'est pas menée dans les délais, les mesures soit arrivent à expiration, soit demeurent inchangées. Un avis annonçant l'expiration effective ou le maintien des mesures est publié au JOUE. Selon l'objet de la demande, le réexamen peut porter sur le dumping et sur le préjudice ou seulement sur le dumping. La précision n'est pas sans importance, car une mesure antidumping expire cinq ans après la date de conclusion du réexamen le plus récent s'il couvre à la fois le dumping et le préjudice. La durée de la procédure de réexamen de mesures arrivant à expiration ou de réexamen intermédiaire est en principe limitée à douze mois à compter de l'ouverture de la procédure. Le délai impératif est de quinze mois (Règl. 2016/1036, art. 11, paragr. 5). La prorogation du délai de douze mois a pu être admise parce qu'une nouvelle définition du produit nécessitait une enquête complète sur le dumping, le préjudice et le lien de causalité. L'issue de la procédure de réexamen diffère selon qu'il s'agit d'une mesure arrivant à expiration ou d'un réexamen intermédiaire. Dans le premier cas, les mesures antidumping examinées peuvent être abrogées ou maintenues. Dans le second, elles peuvent être abrogées, maintenues ou modifiées (Règl. 2016/1036, art. 11, paragr. 6, al. 2). Cette différence s'explique par le fondement de chaque réexamen. Le réexamen d'une mesure parvenant à expiration a pour objectif de prévenir la réapparition ou la continuation du dumping préjudiciable initial tandis que le réexamen intermédiaire est motivé par un changement des éléments à l'origine de la constatation du dumping et du préjudice initial. Les demandes d'ouverture d'une procédure de réexamen d'une mesure arrivant à expiration s'accompagnent donc souvent d'une demande d'ouverture d'une procédure de réexamen intermédiaire, afin que l'enquête porte également sur la question de savoir si une modification des mesures antidumping existantes est nécessaire. La règle du droit moindre ne s'applique toutefois pas à la procédure de réexamen des mesures arrivant à expiration. Lors d'un réexamen intermédiaire limité au dumping, le respect du droit moindre peut être apprécié sur la base de la marge établie lors de l'enquête initiale pourvu que cette marge soit toujours représentative du préjudice au moment de la détermination de la nouvelle marge de dumping à la suite du réexamen. Une mesure antidumping ne devant s'appliquer “que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer un dumping qui cause un préjudice” (Règl. 2016/1036, art. 11, paragr. 1), la Commission peut ainsi fixer une durée d'application inférieure à la durée normale d'expiration de cinq ans. Elle peut également, à titre exceptionnel, proroger les mesures au-delà de leur période initiale d'expiration, notamment afin d'attendre l'issue d'une procédure, simultanément pendante devant le Tribunal, pour clarifier la définition du produit concerné ou en raison de la clôture tardive de la procédure de réexamen pendant laquelle les droits antidumping initiaux sont restés en vigueur. Les résultats du réexamen s'appliquent, en principe, à compter de la date de la conclusion du réexamen et non de manière rétroactive.
iii) Réexamen au titre de nouvel exportateur
L'article 11, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 prévoit qu'un examen peut être mis en œuvre pour déterminer les marges de dumping individuelles pour un nouvel exportateur dans le pays d'exportation concerné qui n'avait pas exporté au cours de l'enquête ayant conclu au dumping. L'exportateur ne doit pas être lié, directement ou indirectement, aux opérateurs soumis aux mesures antidumping, doit avoir effectivement exporté dans l'Union à la suite de cette période d'enquête, ou doit pouvoir démontrer qu'il a souscrit une obligation contractuelle et irrévocable d'exportation d'une quantité importante de produits dans l'Union. Le statut de nouvel exportateur peut ainsi être accordé à la société dont la ferme intention d'exporter le produit concerné dans l'Union est établie par un accord de distribution conclu avec un importateur de l'Union ou par des prises de contact avec des clients potentiels. Le règlement antidumping exclut enfin l'application de la procédure de réexamen lorsque les droits initiaux ont été imposés selon la méthode de l'échantillonnage (art. 11, paragr. 4, al. 4).
La procédure de réexamen est menée de manière accélérée dans un délai de douze mois suivant son ouverture (art. 11, paragr. 5, al. 2). Si les ventes du nouvel exportateur s'avèrent insuffisantes pour établir une marge de dumping individuelle fiable, la Commission se réfère au droit moyen pondéré appliqué aux sociétés ayant fait l'objet de l'enquête antidumping initiale. En outre, si la marge de dumping individuelle s'avère faible mais supérieure à la marge de préjudice à l'échelle nationale calculée pour le pays concerné dans la décision définitive, cette dernière marge s'applique au nouvel exportateur. Enfin, l'abrogation des droits antidumping en vigueur concernant le nouvel exportateur s'accompagne d'un enregistrement de ses importations afin de permettre la perception rétroactive des droits antidumping éventuels à partir de la date d'ouverture du réexamen. À l'exception des délais, les règles générales en matière d'enquête s'appliquent (réponse au questionnaire, coopération à l'enquête, contrôles, visites de vérification, droit à l'information, droit de présenter des observations, etc.). Comme le réexamen intermédiaire, le réexamen au titre de nouvel exportateur peut conduire au maintien, à l'abrogation ou à la modification du règlement initial. Enfin, l'absence de coopération du nouvel exportateur a pour effet de clôturer la procédure.
iv) Réexamen sur rapport de l'ORD
Un organe de règlement des différends (ORD) a été institué au sein de l'OMC afin de régler rapidement les différends qui n'ont pas trouvé de solution par voie de consultations. Comprenant tous les membres de l'OMC, il donne mandat à des groupes spéciaux composés d'experts (Panels) pour présenter un rapport final à moins d'un règlement préalable du différend. Un appel de cette décision est ouvert aux seules parties et sur les seuls points de droit, devant un organe d'appel permanent institué par l'ORD (Appellate Body), composé de sept membres de l'OMC nommés pour quatre ans et qui siègent à trois pour une affaire donnée par roulement. L'ORD ne peut rejeter la décision de cet organe que par consensus. Le règlement 2015/476 précise les mesures que l'Union peut prendre à la suite d'un rapport de l'ORD concernant des mesures antidumping ou antisubventions. La Commission n'est pas tenue par les recommandations et les décisions contenues dans un rapport de l'ORD mais peut juger opportun de modifier ou d'abroger des mesures antidumping afin de se conformer à ces textes, ou encore adopter toute autre mesure particulière jugée appropriée. L'éventuelle modification du règlement initial ne prend effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur du nouveau règlement, ce dernier ne pouvant être invoqué pour obtenir le remboursement des droits perçus avant cette date (Règl. 2015/476, art. 3). Il demeure toutefois possible, lors du réexamen, d'obtenir la suspension de la mesure antidumping initiale pour une durée limitée. En pratique, les décisions de réexamen sur rapport de l'ORD sont rares.
v) Réexamen anti-absorption
L'imposition de mesures antidumping doit, en principe, entraîner l'augmentation du prix à l'exportation des produits concernés. Lorsque ce prix a, au contraire, diminué ou n'a pas augmenté de manière suffisante, l'enquête peut être rouverte afin de vérifier si le producteur-exportateur concerné n'a pas réduit à néant l'efficacité des mesures en “absorbant” les droits antidumping, c'est-à-dire en les prenant en charge. L'absorption des droits initiaux justifie une modification de la mesure antidumping dont le montant peut être porté au double du droit initial. La demande de réexamen anti-absorption est présentée par l'industrie de l'Union ou toute autre partie intéressée, qui, dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur des mesures, fournit des renseignements suffisants établissant la diminution des prix ou l'absence ou l'insuffisance de modification des prix à la suite de l'adoption des mesures (Règl. 2016/1036, art. 12, paragr. 1).
L'enquête de réexamen doit déterminer si les mesures ont eu l'effet escompté d'élimination du préjudice et, dans la négative, si elles ont donné lieu à une prise en charge par le producteur-exportateur et/ou à d'autres facteurs indépendants de sa volonté. À cette fin, les prix de revente pratiqués dans l'Union au cours de la période d'enquête initiale sont comparés à ceux pratiqués au cours de la période d'enquête de réexamen. Une comparaison en bonne et due forme implique une représentativité suffisante en termes de quantité, de valeur et de types de produit, et doit utiliser la même méthode et les mêmes taux de change.
L'absence de modification des prix dans l'Union après l'institution des mesures peut cependant être justifiée. Parmi ces justifications figurent la diminution des frais de vente, des dépenses administratives et autres frais généraux de l'importateur, la diminution de son bénéfice ou de la baisse de la valeur normale, qui ont compensé le coût du droit antidumping et n'ont pas à être entièrement répercutées sur le prix de revente, ou la dépréciation de la devise du pays exportateur. S'il apparaît, même après ajustement, que les mesures antidumping n'ont pas eu les effets escomptés sur les prix de vente dans l'Union, les prix à l'exportation sont réévalués et les marges de dumping recalculées en conséquence, à l'issue d'une enquête de réexamen qui doit être menée dans les neuf mois à compter de son ouverture. Ce délai peut être dépassé en raison de la complexité de l'enquête caractérisée par l'existence de deux formes de droit ou lorsque les efforts de la Commission pour recueillir des informations ont été entravés par un manque évident de coopération.