Google AdSense : le Tribunal annule la décision de la Commission

Le Tribunal de l'Union européenne a rendu une décision historique en annulant une amende de 1,49 milliard d’euros infligée à Google par la Commission européenne. 

Publié le 
14/10/2024
Google AdSense : le Tribunal annule la décision de la Commission
 

Cette sanction, prononcée en 2019, visait l’abus de position dominante de Google sur le marché de la publicité en ligne via son service AdSense. Le Tribunal a considéré que la Commission n'avait pas suffisamment prouvé que les pratiques de Google avaient un impact anticoncurrentiel significatif.

Une semaine auparavant, la Cour de justice de l'Union européenne avait pour sa part confirmé une sanction de 2,4 milliards d'euros contre Google, liée à des pratiques anticoncurrentielles sur le secteur des comparateurs de prix. Au total, le géant du numérique s’est vu infliger plus de 8 milliards d’euros d’amendes pour les atteintes commises à la concurrence.

Le contexte de l’existence d’AdSense

Google exploite depuis 2003 une plate-forme publicitaire appelée AdSense. Divers services ont ainsi été développés, notamment un service d'intermédiation publicitaire relatif aux recherches en ligne : AdSense for Search (AFS).

AFS permet à des éditeurs de sites Internet tiers indépendants de Google, dont les sites Internet contiennent des moteurs de recherche intégrés, de diffuser des publicités liées aux recherches en ligne de Google lorsque des utilisateurs font des recherches sur leurs sites Internet.

AFS permettait aux éditeurs de sites web disposant de moteurs de recherche intégrés d'afficher des publicités en lien avec les recherches effectuées par les utilisateurs sur leurs plateformes. Cela leur permettait de percevoir une part des revenus générés par ces publicités.

Les éditeurs atteignant un certain seuil de chiffre d'affaires pouvaient négocier un « accord de services Google » (ASG) pour utiliser AFS. Cependant, ces accords incluaient des clauses limitant ou interdisant l'affichage de publicités provenant de services concurrents à AFS.

Les pratiques mises en cause

En mars 2019, la Commission a constaté que Google avait commis trois infractions correspondant à une infraction unique et continue, de janvier 2006 à septembre 2016. Elle a infligé une amende de 1 494 459 000 euros à Google, dont 130 135 475 euros solidairement avec sa société mère (Alphabet).

La Commission européenne avait accusé Google d’avoir utilisé des clauses restrictives (« clause d’exclusivité »[1], « clause de placement »[2] et « clause d’autorisation préalable »[3]) dans les contrats avec ses partenaires publicitaires, limitant leur capacité à afficher des annonces provenant de concurrents. Ces clauses auraient empêché les autres régies publicitaires de se positionner sur le marché, consolidant ainsi la position dominante de Google dans la publicité contextuelle.

Notes de bas de page

[1] Elle « stipulait que le partenaire direct ne devait pas utiliser sur les sites Internet listés dans le bon de commande un service qui était identique ou substantiellement similaire aux services fournis par Google en vertu de l’ASG ou qui était directement en concurrence avec ces services » (paragraphe 12 de l’arrêt n° T-334/19 du TUE).

[2] Elle « stipulait que, s’agissant des sites Internet utilisant AFS, le partenaire direct devait, d’une part, afficher un nombre minimal de publicités liées aux recherches en ligne, provenant de Google et, d’autre part, ne pas afficher de telles publicités, provenant d’autres intermédiaires (ci-après les « publicités concurrentes »), au-dessus de celles provenant de Google ou de manière directement adjacente à celles-ci » (paragraphe 13 de l’arrêt n° T-334/19 du TUE).

[3] Elle « imposait au partenaire direct d’obtenir l’accord de Google avant de modifier l’affichage de l’ensemble des publicités liées aux recherches en ligne, y compris les publicités concurrentes, présentes sur leurs pages de résultats. Il était également précisé que Google ne pouvait refuser de donner son accord que pour certains motifs et qu’elle était présumée donner son accord si elle ne répondait pas dans un délai de quinze jours ouvrables » (paragraphe 13 de l’arrêt n° T-334/19 du TUE).

Les arguments du Tribunal de l’Union européenne

Le Tribunal de l'Union européenne a remis en question l'analyse de la Commission, notamment en ce qui concerne l'impact réel de ces clauses sur la concurrence.

En effet, dans son arrêt, le tribunal « confirme la plupart des appréciations de la Commission », mais annule l'amende au motif notamment qu'elle a omis de prendre en considération l'ensemble des circonstances pertinentes dans son appréciation de la durée des clauses contractuelles qu'elle avait qualifiées d'abusives .

Si le Tribunal a reconnu l'existence des pratiques litigieuses, il a jugé que la Commission n’avait pas démontré de manière suffisante que ces clauses avaient un effet anticoncurrentiel substantiel. En effet, il souligne que la Commission n’a pas démontré, à suffisance de droit, que les clauses visées avaient pu nuire à l’innovation, aidé Google à maintenir et à renforcer sa position dominante sur les marchés nationaux en cause de la publicité liée aux recherches en ligne et, enfin, pu porter préjudice aux consommateurs.

Cette insuffisance dans la démonstration des effets réels a conduit à l'annulation de l'amende.

Une remise en question de la Commission européenne

Cette décision met en lumière les difficultés rencontrées par la Commission européenne dans ses efforts pour réguler les activités des géants de la technologie. Bien que la Commission ait adopté une approche proactive pour lutter contre les abus de position dominante, cette annulation montre que la méthodologie employée doit être rigoureuse et fondée sur des preuves solides.

Le Tribunal, en annulant cette amende, envoie un message clair :

  • toute accusation d’abus de position dominante doit être étayée par des analyses économiques et juridiques précises, qui démontrent un impact concret et substantiel sur la concurrence.

Conséquences pour Google et la régulation technologique

Pour Google, cette décision représente une victoire juridique et financière majeure en Europe. Cette annulation ne modifie cependant pas le fait que Google demeure sous le radar des autorités de régulation tant européennes qu’étasuniennes. En effet, le groupe est aussi dans le viseur des autorités américaines. Depuis le 16 septembre 2024, il affronte son deuxième grand procès aux Etats-Unis en moins d’un an concernant les pratiques de Google sur le marché publicitaire.

Cette affaire soulève des questions plus larges sur la régulation des grandes entreprises technologiques. Elle reflète les défis auxquels les régulateurs sont confrontés pour équilibrer innovation, concurrence et protection des consommateurs.

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