Définition et fondements juridiques de la garantie d’éviction
La garantie d’éviction, prévue par les articles 1626 et suivants du Code civil, oblige de droit le vendeur à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité (éviction totale) ou partie (éviction partielle), de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente, telles qu'une servitude, une hypothèque, ou un bail. En cas de cession de parts sociales ou de fonds de commerce, la garantie d’éviction s’apparente davantage à une obligation légale de non-concurrence dont le régime diffère de la clause de non-concurrence. Elle oblige le cédant à s’abstenir d’actes qui pourraient détourner la clientèle du fonds ou empêcher la société de poursuivre l'activité économique de la société et de réaliser l'objet social.
Origine de l’éviction et responsabilités du vendeur et des tiers
L’éviction peut tant provenir du vendeur, tenu de ne pas porter lui-même atteinte à la propriété, à la possession ou à la détention du bien vendu par l'acquéreur, que du fait d’un tiers, qui viendrait contester le droit cédé à l'acquéreur, de sorte que le vendeur est tenu tant de la garantie de son fait personnel, que du fait des tiers. En outre, l’article 1626 garantit l’éviction que le droit soit corporel ou incorporel et que le trouble subi par l'acheteur soit un trouble de fait ou de droit. La garantie est due par tout cédant, y compris ses héritiers. En revanche, le créancier poursuivant, sur saisie immobilière, la vente des biens de son débiteur ne peut être assimilé à un vendeur, et ne peut être tenu envers l'adjudicataire à la garantie d’éviction édictée par l'article 1626 du Code civil.
Aménagement contractuel de la garantie d’éviction
Aux termes de l'article 1627 du Code civil, les parties peuvent aménager contractuellement la garantie d'éviction et ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l'effet, voire convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie. Le vendeur ne peut toutefois se prévaloir de la clause d’exonération de garantie insérée dans l’acte de vente qu’à la condition d’être de bonne foi. En outre, l'aménagement conventionnel de la garantie d'éviction ne concerne que le fait des tiers. En effet, l'article 1628 prévoit qu'en cas de clause de non-garantie, le vendeur reste tenu de son fait personnel et déclare nulle toute convention contraire. Même en cas de stipulation de non-garantie, le vendeur, en cas d'éviction, est tenu, en vertu de l'article 1629 du Code civil, à la restitution du prix, à moins que l'acquéreur n'ait connu lors de la vente le danger de l'éviction ou qu'il n'ait acheté à ses risques et périls.
Transmission et limites de l’action en garantie d’éviction
La mise en œuvre de l'action en garantie d'éviction contre le vendeur appartient à l'acquéreur. La notion d'acquéreur s'entend de l'acheteur initial mais également de tous ceux qui tiennent leur droit de ce dernier. Cependant, si l'action en garantie d'éviction se transmet, en principe, avec la chose vendue au sous-acquéreur, le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer lorsqu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Toutefois, la demande en garantie doit émaner d'un acquéreur de bonne foi. Aussi la garantie d'éviction cesse-t-elle en présence de turpitudes réciproques partagées entre le cédant et le cessionnaire. La gravité de la négligence de l'acquéreur s'apprécie alors en fonction de sa qualité éventuelle de professionnel.
Recours procéduraux pour faire valoir la garantie d’éviction
Deux voies d'action s'offrent à l'acquéreur qui souhaite mettre en œuvre la garantie d'éviction. Il peut exercer soit une action incidente, en appelant son vendeur en garantie au cours du procès qui l'oppose au tiers revendiquant, soit une action principale en garantie contre son vendeur, une fois l'éviction consommée. En cas d'action incidente, la procédure prend la forme d'un appel en garantie régi par les articles 334 et suivants du Code de procédure civile. L'acquéreur peut également engager, contre le vendeur, une action en garantie autonome, à titre principal, en préférant se défendre lui-même contre les prétentions du tiers et en ne recourant contre son vendeur que si, à l'issue de celle-ci, il est définitivement évincé ou menacé d'éviction. Si le régime procédural de l'action en garantie d'éviction exercée par l'acquéreur contre le vendeur relève du droit commun, l'article 1640 du Code civil envisage toutefois l'hypothèse de l'acquéreur qui s'est insuffisamment défendu à l'instance l'opposant au tiers qui l'a évincé. Selon ce texte, la garantie cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l'appel n'est plus recevable, sans appeler son vendeur à l'instance, si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la revendication.