Droit européen de la concurrence
La Commission peut, par voie de décision, infliger une amende aux entreprises ou associations d'entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE, ou ne respectent pas une décision de mesures provisoires ou rendant obligatoire un engagement (Règl. 1/2003, art. 23). Une sanction pécuniaire peut également être infligée aux entreprises qui, au cours de l'enquête, se soustraient à leurs obligations.
Le propos délibéré suppose la volonté de l'auteur de l'infraction d'agir illégalement. Il suffit qu'il n'ignore pas que son action entraîne une restriction de concurrence ; il n'est pas nécessaire, en revanche, qu'il ait conscience d'enfreindre les articles 101 ou 102 TFUE. La négligence est caractérisée lorsque l'entreprise “normalement avisée” aurait pu prévoir les effets illicites de son comportement.
L'amende infligée par la Commission, autorité administrative, à une entreprise est une sanction administrative, même si les autorités européennes appliquent dans une certaine mesure certains principes généraux du droit pénal (principe non bis in idem, présomption d'innocence, non-rétroactivité, principe de légalité des peines).
Pour fixer le montant de l'amende, la Commission se livre à une analyse multicritères, qui se fonde sur des indices visant, d'une part, à définir le niveau général des sanctions infligées aux participants à l'entente, et, d'autre part, à pondérer l'amende en fonction de la situation particulière de chaque participant. La Commission dispose d'un pouvoir particulièrement large lors de l'appréciation du caractère dissuasif d'une amende et n'est pas tenue d'appliquer une formule mathématique précise. La décision de la Commission infligeant une amende doit être motivée. Elle doit indiquer les critères retenus et le mode de calcul de l'amende infligée. Si elle n'est pas tenue de fournir les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul, elle doit toutefois justifier le choix de la proportion des ventes prises en considération lors de la détermination du montant de base de l'amende et expliquer la manière dont elle pondère et évalue les différents éléments qu'elle prend en considération.
Pour assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions, la Commission a adopté des Lignes directrices pour le calcul des amendes, qui fixent un montant de base qui peut être majoré ou réduit selon l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes. Les Lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique décisionnelle de la Commission dont elle ne peut s'écarter dans un cas particulier sans donner de raisons compatibles avec le principe d'égalité de traitement.
L'amende doit être proportionnée à la gravité et à la durée des infractions constatées (Règl. 1/2003, art. 23). Les amendes sont déterminées individuellement pour chaque entreprise, organisme ou groupe d'entreprises et le montant doit notamment tenir compte d'éventuelles circonstances aggravantes, telles que la récidive, ou atténuantes. La Commission peut, par ailleurs, sans violer le principe de non-discrimination, infliger des amendes différentes aux participants à l'entente eu égard à leur taille, leur puissance économique et leur rôle. Au sein d'une même catégorie d'opérateurs, des situations comparables ne doivent, cependant, pas recevoir un traitement différent à moins que celui-ci soit objectivement justifié.
Pour déterminer le montant de base, la Commission utilise la valeur des ventes des produits ou services de l'entreprise concernée en relation directe ou indirecte avec l'infraction sur le marché géographique en cause durant la dernière année de participation à l'infraction. Le montant de base correspond à un pourcentage de la valeur des ventes déterminé en fonction du degré de gravité de l'infraction et multiplié par le nombre d'années de participation à l'infraction. Cette proportion peut être inférieure ou égale à 30 % selon la nature de l'infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l'étendue géographique de l'infraction, et la mise en œuvre ou non de l'infraction.
L'amende a une double finalité : elle vise à la fois à prévenir le renouvellement des infractions (effet dissuasif général) et à punir leur commission (effet dissuasif spécifique). La dissuasion vise cependant davantage à garantir l'effectivité de l'amende qu'à rendre compte de la nocivité de l'infraction. Le montant de départ de l'amende peut donc, pour assurer un effet dissuasif, être majoré eu égard à la taille de l'entreprise, ses ressources globales et sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires à la date de la décision, même si à une date antérieure, les moyens de certaines des entités qui la composent ont été inférieurs. La Commission peut inclure à cette fin dans le montant de base une somme qualifiée de “droit d'entrée”, comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes. Elle peut également majorer le montant de départ compte tenu de la taille et des ressources du groupe auquel l'entreprise appartient si elle forme avec lui une unité économique unique. Elle n'est pas tenue en revanche de prendre en considération l'absence de bénéfice tiré de l'infraction ni l'amende infligée dans une affaire contemporaine de celle en cause, dès lors que la fonction dissuasive de la sanction comporte un objectif de prévention générale.